


TEXTES
(Nom de plume) Peau d'ourse
du français ancien et mystérieux celle qui a vu la bête
elle était une fois
une femme à la peau d’ourse
elle ne demandait rien à personne
mais jadis
les hommes voulaient sa peau
douce, dit-on
que l’on caresserait des heures
une peau invitant
à goûter le dessert
un jour
surprise à peigner dans sa tête
le visage d’un amour aux yeux de glace
des hommes l’attachèrent à l’arbre
le plus vieux de la forêt
et peu à peu, saccageant le portrait,
ils s’avancèrent vers elle
avec cet air incrédule
qui sait
(...)
secouée par cette intrusion
peau douce pleure et pleure
et invoque les arbres
les hommes rient friands de ce dos
les vêtements arrachés il n’y a plus que cette peau sans tâche
qu’ils s’empressent de toucher
peau douce se fait statue
bouche
bée
mais bien vite le sol gronde et tabasse
les hommes de toute manière se lassent
et s’en vont
alors
les poils poussent le long de ses bras
les griffes poussent le long de ses doigts
elle ne sanglote plus elle rugit
et sa force brute rompt les cordes
elle s’enfuit
sur ses quatre pattes
elle s’enfuit
chercher sa vengeance
elle rugit
toujours de plus belle
et croque quiconque
voudrait la toucher
elle est devenue Peau d’ourse
la splendide, sa majestée
que l’on craint dans les forêts et les villes
qui rétablit les équilibres
danse sur les cendres de ses ennemis
seule demeure sur son dos caché
la tâche brune de leur passage
mais la tâche prend si peu de place
au milieu de son pelage
lorsque Peau d’ourse revient à la douceur
au miel d'acacias, de bruyère
elle chérit cette marque douloureuse
qui longtemps l’empêcha de trouver le repos
tu sais
une ourse sait battre la terre
les paysages
les passages
elle avance héroïquement
aussi longtemps que ses pattes lui permettent
et arpente souvent
la montagne sauvage et ses crêtes
quel est mon nom ?
comment m’appelles-tu ?
celle qui marche dans la brume ?
celle qui rugit quand ses plaies brûlent ?
celle qui tremble devant la tendresse ?
la reine de cœur
et ses quatre feuilles de trèfle ?
l’inconnue des vastes crêtes
l’amante des draps secrets ?
l’énigme indéchiffrable
la pierre de rosette
la formule interdite
la voyageuse en quête ?
je ne me souviens plus
quelle est mon histoire ?
rappelle-toi pour moi !
je ne sais plus rien
je ne sais plus
ce qui est vrai
ce qui n’a pas existé
ce que j’invente
ce qui est trop caché
alors en aventurière insatiable
je m’arme
de plumes
de mots
d’amour
de larmes
de silence
d’extase
de cris
de cartes
et je parcours
chaque caillou
chaque lande
et je convoque
chaque mémoire
chaque langue
pour déterrer
ce qui n’est pas visible
pour célébrer
ce qui reste à découvrir
de cette minuscule tranche de vie
un trésor
sûrement
de précieuses broutilles
pourquoi un nuage c'est poétique ?
parce que c'est léger ?
un morceau de carton c'est pas poétique pourtant
et c'est léger
parce que c'est mouillé ?
un morceau de carton mouillé c'est pas poétique pourtant
et c'est mouillé
parce que c'est blanc ?
le pq c'est blanc
parce que c'est muable ?
mon amour il est muable
c'est pas poétique l'amour
c'est juste chiant
comme le pq
comme le carton mouillé
comme un nuage
tu m'as dit que je pourrais être sainte
marie c'est l'anagramme d'aimer
et j'ai porté toutes tes peines dans ma besace de baisers
mais les saintes ne détestent personne
et je te hais je hais les hommes
mais les saintes ne sont que des silences
et moi j'aime crier dans le vent
j'aime que l'on m'entende
j'aime valser dans les éléments
puis rire ça j'aime aussi
rire grassement comme un marin dans une taverne
comme une sirène qui se joue des radeaux de bois
et prenez- le mon corps tant qu'on y est
ça les saintes n'y penseraient pas
prenez-moi la main les bras le cou la taille les seins
prenez-moi tout puisque la chaire de femme se troque
que dis-je elle se réquisitionne on en hérite de plein droit
tu m'as dit que je pourrais être sainte
tu n'avais peut-être pas tord
car je n'ai toujours pas brûlé de villages
massacré de misérables insulté les dieux
pillé le corps des autres
je n'ai toujours pas pris feu
tout ça relève du miracle
car en moi gronde le tonnerre
les typhons les blizzards cognent
je suis une bille de verre
que chaque injustice morcelle
ce verre sonore n'en peut plus résonne
mes soeurs prenons le tison
et chantons en marchant
nous sommes en guerre mes saintes
qu'une pluie de billes s'abatte
sur les certitudes les autels les bûchers
sur les draps souillés les tempes abîmées
entendez-vous ce bruit sourd quand la mer part au loin
c'est le son de nos rumeurs nos fureurs magnifiques
croyez-moi
l'eau salée finit toujours par revenir
ronger ce qui ne mérite plus de briller
ronger ce qui ne mérite plus de briller
merci de m'avoir dit
que je pourrais être sainte
et marchons sans peur
et hurlons
à ceux qui ne feront plus long feu
de nous



